Chapitre I : Les origines

 

En 1043, on cite Ithier, du château de Roquemaurel[1]. Il est probablement le bâtisseur, ou le descendant du bâtisseur du château de Roquemaurel, dans la vicomté de Carlat. Ce château devait être constitué d’une tour protégée par une enceinte comme les châteaux de l’époque.

Ithier était probablement un seigneur foncier qui construisit sa tour, qui plus tard devint une forteresse, en accord avec les vicomtes de Carlat ou peut-être même sous leurs ordres. Cette noblesse foncière était issue le plus souvent de la « fonction publique. »

Nombre de forteresses érigées à cette époque ont cette origine ce qui permet d’avancer cette hypothèse. La multiplication des forteresses au XIème siècle paraît témoigner de la militarisation de la société plus que de la dégradation du pouvoir comtal ou vicomtal. Les châtelains « ajoutèrent à leurs droits de maîtres de la terre, ceux de diriger, gouverner, taxer et parfois de juger les paysans vivant sur le territoire qu’ils dominaient de leur forteresse, formant la seigneurie banale (ban signifie le droit de commander) qui se superposa à la seigneurie foncière. » Les châtelains exerçaient des fonctions de commandement et de justice, relevant de la fonction publique.

« La fonction publique [2]» était représentée dans la région par les vicomtes de Carlat.

A l’époque qui nous intéresse le vicomte de Carlat était  Gilbert II, qui avait épousé Nobilie, vicomtesse de Lodève, ils eurent un fils Bernard III, mort sans postérité, et une fille, Adèle, qui hérita de cette vicomté après la mort de son frère Bernard III, vicomte de Carlat. Elle l’apporta à son mari Bérenger I, vicomte de Rodez qu’elle avait épousé avant 1071[3].

Nous retrouverons leurs successeurs, comtes de Rodez et vicomtes de Carlat, comme suzerains de Roquemaurel et de Salles-Comtaux où la famille de Roquemaurel était possessionnée. Plusieurs membres de la famille de Roquemaurel furent nommés sénéchaux du comté de Rodez et capitaines de Capdenac qui en dépendait, par ces comtes de Rodez.

La filiation d’Ithier de Roquemaurel n’est pas connue. On mentionne Arbert et Robert de Rocomorelle (Roquemaurel), père et fils, vivants sous le règne de Philippe Ier (1060-1108), Arbert de Rocomorelle, avait été inhumé dans l’abbaye de Sauxillanges à laquelle il avait fait des donations ainsi que son fils Robert de Rocomorelle[4].

Ithier de Roquemaurel est témoin en 1114[5], il est très certainement différent de celui cité en 1043, peut-être son fils ou son petit-fils.

Raymond de Roccamaura, peut-être Raymond de Roquemaurel, est un des chevaliers cité en 1250 à Saint-Jean d’Acre[6](sixième croisade.)

 

La filiation commence à Guy de Roquemaurel, chevalier, seigneur de Roquemaurel, cité en 1266[7].

L’absence de documents concernant les cent cinquante ans qui s’écoulèrent entre  le deuxième Ithier de Roquemaurel et son lointain successeur Guy de Roquemaurel est générale à la plupart des familles comparables ; les patronymes n’étant pas fixés à cette époque, les fiefs étaient, en l’absence de fils, transmis aux gendres ou aux neveux qui en prenaient le nom.

Les généalogies qui font apparaître des filiations suivies pour cette époque ont été pour la plupart « fabriquées » au 19ème siècle pour ne pas dire antérieurement.

C’est pendant cette période, à la fin du 11ème siècle, que se mit en place le système féodo-vassalique : un propriétaire indépendant,  donne ses terres qui étaient jusque là en alleu, c’est à dire en pleine propriété et dégagées de toute charge, à un seigneur plus important. Il reprend ses terres en fief, devenant vassal du puissant. Il n’ampute pas ses revenus ; il s’engage seulement à combattre pour le puissant mais y gagne sa protection. La pyramide féodo-vassalique prit alors sa consistance[8].

C’est probablement à cette époque que le seigneur-châtelain de Roquemaurel remit sa seigneurie en fief au vicomte de Carlat.

Les obligations pesant sur le vassal dans le Carladès étaient particulières à cette région. Dans le reste de la France, le service militaire, qui représentait l’essentiel des obligations, était limité à quarante jours aux frais du vassal lui-même et, au-delà aux frais du seigneur, le vassal ayant le droit de rentrer chez lui s’il le voulait. Dans le Carladès, le service était dû sans limites de temps, mais il était totalement aux frais du seigneur. Le système régional était donc peu avantageux pour ce dernier, ce qui n’a pas empêché les guerres d’être nombreuses dans cette région[9].

Le droit d’aînesse n’existant pas en Auvergne, tous les enfants mâles étaient admis au partage, les filles étant dotées. Pour éviter le morcellement, une solution qui connut un grand succès dans cette région fut la coseigneurie, tous les héritiers étaient collectivement seigneurs. Pour éviter de multiplier le nombre de coseigneurs quelques fils étaient écartés en entrant dans l’Eglise[10].

On verra dans le cas de Roquemaurel plusieurs personnes qualifiées simultanément de seigneur de Roquemaurel, illustrant cet aspect de la coseigneurie. A titre d’exemple, en 1441, on trouve le seigneur de Sénezergues (Archambaud de La Roque, qui avait épousé Alasie de Roquemaurel) et Hugues de Gausserand, seigneur de la Mothe, tenant indivis avec le seigneur de Roquemaurel, la tour de Roquemaurel ; on ne sait pas à quel titre Hugues de Gausserand avait des droits sur Roquemaurel, il était le cousin germain de Bertrande de Gausserand, mère de Béthon de Roquemaurel, seigneur de Roquemaurel à cette date.


 



[1]Doc A.M.R 1889; Villain, op.cité ; Deribier, op.cité ; « Ithier est un nom purement et hautement romain, n’en déplaise à ceux qui le considèrent comme germanique, oubliant sa forme primitive Aetherius, d’origine grecque », Ch. Lauranson-Rosaz, op.cité, p.186 ; la source semble être le cartulaire de Sauxillanges, voir note 15.

[2] Le texte qui précède est tiré de « D’où vient la noblesse française ? », Jean Flori, L’Histoire n°120, 1989 ; J.Charbonnier, op.cité, propose la même origine ; G. Duby développe des thèses voisines dans « La société chevaleresque. » tandis que Karl Ferdinand Werner, source de nombreux historiens, montre la continuité de la fonction publique depuis l’Empire romain et arrive aux mêmes conclusions que Jean Flori.

[3] P.Anselme, op.cité, t. II

[4] Cartulaire de Sauxillanges, manuscrit n°5454, f°165, à Poitiers, transcription transmise par M. Lacabane ; l’édition de 1864 du cartulaire de Sauxillanges, postérieure à celle de Poitiers, transcrit les noms en Arbert et Robert de Rocha Maurel, Ithier est également transcrit dans cette édition en Hicterius de castro Rocha Maurel

[5] Doc. A.M.R 1889

[6] L’Auvergne aux Croisades, charte n°58

[7] Ambroise Tardieu, op.cité, établit la filiation depuis Astorg de Roquemaurel en 1270, lui-même père de Guy, cité en 1289, ce dernier père de Guy, cité en 1295 qui épousa Hélène de Roquemaurel dont Jean Ier.

[8] P. Charbonnier, op.cité, p. 154

[9] P.Charbonnier, op.cité, p. 155

[10] P.Charbonnier, op.cité, p. 172